lundi 29 juin 2009


Un potager fleuri pour l'utile et l'agréable

Il y a peu de temps encore le jardin potager était relégué derrière la maison, rares étaient les jardiniers qui trouvaient de l’intérêt à faire visiter ou à le montrer. Cette obstination à laisser le potager à un rang de subalterne n’était pas sans conséquences sur notre alimentation.
Heureusement, les choses ont bien changé et aujourd’hui le jardin vivrier est devenu jardin de loisir et un jardin de plaisir. On ne le cache plus. Bien au contraire, le potager a pris des couleurs avec l’arrivé de nouveaux légumes. Même dans nos assiettes, les plus grands chefs du monde enjolivent de teintes nouvelles la présentation des aliments : le légume est promu au rang de grand coloriste ! Donner de la couleur au potager n’est pourtant plus suffisant aujourd’hui et, dans cet univers de plaisir qu’est devenu le jardin tout entier, le jardienier amateur avait envie d’aller plus loin.
Innovation Création Non, car fleurir le potager est une aventure vieille comme le monde… si l’on en croit les historiens des jardins. Lointains, en effets, furent les temps ou il n’existait pas de hiérachie entre les légumes et fleurs : les uns comme les autres étaient un « don de dieu » et voisinaient sans « états d’âme » dans ces jardins à carreaux qui furent à l’honneur au Moyen Âge. Le jardin vivrier jouxtait celui des « Bonnes Santés » (médicinales et aromatiques) et faisant face au jardin des autels. C’était là qu’on cultivait lis et roses afin d’en déposer aux pieds de la sainte Vierge.
Puis ce furent les jardins de la Renaissance ou, là encore la fleur et le légume faisaient bon ménage, se poussant du coude mutuellement pour embellir encore ces paysages sortis de l’imagination des horticulteurs d’alors. Au grand siècle, traversé majestueusement par le Roi Soleil et ces jardiniers d’exception que furent La Nôtre et La Quitine, c’était même le légume qui l’hiver servait d’ornement aux massifs et aux parterres royaux. C’est à cette époque qu’on retrouva la costume ancienne de garnir plates-bandes et carrés pour l’automne de choux d’ornement dont les premières gelées transformaient le feuillage gris vert bordé de crème en d’éblouissants éventails de verts, de mauves, de jaunes et de rouges. Mais là encore, si la couleur était présente par la feuille, la fleur ou le fruit, le légume demeurait le maître dans son royaume.
Fleurir son potager est, je le crois, une tradition qui a perduré dans les régions et chez les vignobles. Dans les pays du vin, on plantait un rosier au bout de chaque rang de vigne, à la fois pour la beauté, mais également pour que le rosier, premier atteint par les maladies, alerte le vigneron, celui-ci traitant alors à temps le précieux raisin. Dans le jardin de nos grands pères, on avait l’habitude de terminer un repiquage de laitues par la plantation d’un dahlia, de semer des zinnias entre les rangs de carottes, de contre-planter les choux avec des tagètes à fleurs jaunes, dont tout bon jardinier connait les vertus insecticides. Les roses trémières et les fameuses passe-roses montaient la garde entre les pommiers longeant le potager. On avait aussi l’habitude d’installer un rosier au cœur d’un cœur d’un carré de légumes (betteraves et tomates), afin qu’il procure en abondance des fleurs durant toute la saison pour les vases de la maison. Il s’agissait d’une variété de rosiers à longue tiges souvent disgracieux pour une roseraie déclassée et qui, là, retrouvait une fonction glorieuse de fournisseur de fleurs.
Un des premiers secrets d’un potager fleuri réussi est que la fleur ne fasse pas d’ombre au légume, au sens propre comme au sens figuré. Il y a en effet des voisinages malsains et d’autres qui, au contraire, sont bénéfiques, comme le mariage des soucis et des choux ou des oignons. De préférence, privilégiez, pour fleurir votre potager, des espèces annuelles de culture voisine de celles des légumes : une touffe de lis, sans prendre la place, conviendra parfaitement au bout d’un rang de poireaux d’été ou d’oignons.
Fleurir le potager, ce n’est pas pour autant favoriser une immigration sauvage de fleurs étrangères parmi les légumes, mais c’est aussi savoir jouer avec toutes les notes de la gamme. Les plantes médicinales, aromatiques ou condimentaires, qui ont toujours eu leur place au potager, vont jouer un rôle important dans le fleurissement des carrés de légumes : une bordure de ciboulette qu’on laisse monter en fleurs, puisque quelques pieds coupés et recoupés suffiront pour la provision de fines herbes. Sur deux touffes de rhubarbe, laissez-en une fleurir une, c’est d’un effet aussi rose que fort. La bourrache, la lavande, les thyms de diverses couleurs, le romarin et d’autres aromatiques compléteront votre palette de jardinier-peintre.

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